En quête de débauche

Neolyta venait de passer l'entrée de Tomodachi, c'était tellement silencieux. On pouvait juste entendre le bruit métallique des boucles mal fermées de ses boots rangers abîmées. Elle s'arrêta net devant un poteau rempli de panneaux d'indications : "Centre ville", "Mairie", "Campus", "Le Colisée", "La plaine", "Bas quartiers"...

*Bas quartiers, le seul panneau allant vers la droite* pensa t-elle.

Elle dirigea son regard vers la droite et aperçu au loin des bâtiments sombres qui ne donnaient pas envie de s'en approcher. Tandis que dans les autres directions, tout était assez lumineux et coloré. Elle hésita quelques secondes, et prit le chemin des bas quartiers. Avec tout ce qu'elle avait vécu, elle avait envie d'être seule et certainement pas se mêler à des gens heureux, simplets et basiques.

Elle s'aventura dans une petite ruelle, les gens présents ne faisaient même pas attention à elle. Certains se parlaient à eux mêmes, d'autres étaient allongés au sol ou affalés contre un mur une bouteille à la main, une vieille femme aux longs cheveux gris et crasseux priait à genoux devant la table d'un bar....

*Elle doit penser que l'alcool va apparaître comme par magie* ricana Neolyta intérieurement.

Et c'est ce qu'il se passa. Une bouteille de vin et un verre étaient posés sur la table, sans que personne ne les eut amenés. La vieille femme se mit assise et se servit un verre sous les yeux stupéfaits de Neolyta.  

*Comment est-ce possible ?! Serait-ce une forme de technologie que je ne connais pas ? * se demanda la jeune femme interloquée.

Elle décida de rentrer dans le bar d'un pas timide. Elle n'avait pas envie de se poser trop de questions, ni de réfléchir trop, elle avait besoin de faire une pause. De vivre le moment présent sans se prendre la tête. Elle se mit assise sur un un tabouret au comptoir, mit sa tête entre ses deux mains et soupira à voix haute :

"Une bonne cuite me ferait le plus grand bien !"

Parmis tous ce qu’on pouvait reprocher aux Bas Quartiers, il y avait une chose à propos de laquelle personne, ou presque, ne râlait… Les commerces et autres bars des lieux étaient tout simplement incapable de donner leurs archives à la mairie tous les X temps afin que les précieux documents soient indexés. Malheureusement, avec la technologie de l’Eternalis Corp, les archives de Tomodachi étaient presque entièrement informatisée… Et de ce fait, en plus de ne pas avoir besoin de beaucoup de personnel pour cette partie du boulot, le peu servait en plus à la récolte et l’organisation des dossiers.

De son côté, Belnika avait évidemment été embauchée parce qu’un des types responsable de son entretien avait compris qu’elle avait fait partie de l’Eternalis Corp, ainsi, elle devait de toute évidence maîtriser à la perfection leur technologie, y compris être capable de gérer Cortana… Ou pas. Une archiviste, ça reste dans ses vieux papiers poussiéreux et aussi loin que possible des ordinateurs. Enfin, elle savait au moins ajouter les documents en mémoire…

Ce jour-là, elle devait demander à un énième responsable d’un bar miteux à avoir les archives depuis l’ouverture de son commerce. Évidemment, à peine était-elle arrivée que le bougre commençait à râler. S’il y avait une chose dont l’ancienne générale était parfaitement capable, c’était de rester calme face à des être humains, aussi misérables avaient-ils l’air.

“ Écoutez, je ne vous demande pas à ce que vos archives soient bien rangée, je veux simplement tout récupérer, même à moitié déchiré ou dans un ordre tout à fait anarchique… “

Visiblement, cela avait suffit le gérant qui s’était éclipsé en réserve. Silencieuse, la jeune femme s’était assise sur un des tabouret du bar, prenant machinalement un bloc note sur lequel elle s’était mise à écrire l’instant suivant.

“ Une bonne cuite me ferait le plus grand bien ! “

Depuis combien de temps écrivait-elle quand Belnika entendit cette réplique à proximité ? Probablement plus d’une heure, et le gérant était toujours en train de fouiller la salle à l’arrière du bar. Se tournant vers l’inconnue, la jeune femme parut hésitante avant de lancer un :

“ Le gérant est actuellement dans la réserve… Il aurait sans doute bientôt terminé, mais du coup, je crains qu’il ne vous faille attendre… “

Elle hésitait à ajouter qu’elle était désolée, mais après tout, elle n’y était pour rien si celui qui s’occupait des lieux n’était pas là… N’est-ce pas ?

“ Je suis désolée. “

C’était tout simplement plus fort qu’elle. Bien entendu, la générale ne faisait que son boulot… Mais le fait que le patron devait se charger des archives ce jour-là venait du fait qu’elle avait décidé de se charger de ce même endroit parmis tous ceux dont elle devait récolter les précieux documents...

Neolyta attendait un serveur mais personne ne venait. Peut être qu'il n'y en avait pas et qu'il fallait qu'elle se mette à prier à genou devant le comptoir comme l'avait fait cette vieille dame quelques minutes auparavant. Mais n'ayant pas vraiment envie de se faire remarquer, la jeune fille préférait patienter.

Elle pensait à Madame K. Pourquoi avait-elle programmé la capsule temporelle pour que Neolyta arrive en 2015, pourquoi l'avoir envoyée vers Tomodachi ? Et qu'entendait Madame K. quand elle disait "tu y trouveras ce que tu cherches".

*Je ne sais même pas ce que je cherche, pensa Neolyta.*

L'adolescente venait du futur, elle avait vécu de nombreuses vies grâce à la puce implantée dans son cerveau et avait arrêté de compter son âge depuis bien longtemps. Mais c'était la première fois qu'elle se retrouvait en 2015. La seule chose qu'elle connaissait de cette époque était ce qu'elle avait lu dans les vieux livres qu'elle avait pu trouvé, c'est à dire pas grand chose, juste quelques infos sur les plantes, les animaux, la mécanique et la médecine. Mais rien sur l'histoire des humains. Il faut dire que les livres n'existaient presque plus, la plupart avaient étaient détruits. Et les personnes qui osaient faire des recherches sur l'histoire du monde et le passé étaient arrêtées sur le champ et on ne les revoyait plus jamais. Neolyta se sentait perdue et impuissante, mais elle s'en fichait et comptait bien laisser faire le destin. Elle avait tellement été spectatrice et même actrice de mensonges et de complots, qu'elle voulait désormais vivre dans la sincérité et ne plus jamais avoir à mentir. Et après tout, ce qu'elle était censé chercher viendrait peut être à elle.

" Le gérant est actuellement dans la réserve… Il aurait sans doute bientôt terminé, mais du coup, je crains qu’il ne vous faille attendre… Je suis désolée "

Quelqu'un venait de lui parler, Neolyta écarquilla les yeux en regardant droit devant elle, ne sachant pas trop quoi faire. Elle se redressa sur son tabouret, alluma une cigarette et regarda la femme qui venait de lui adresser la parole. Elle n'avait pas l'air bien méchante, c'était même carrément le contraire. Elle donnait l'impression d'être très sage et très ordonnée, tout l'inverse de Neolyta. Mais la jeune fille savait très bien que l'habit ne faisait pas le moine.

"Ok merci. Mais pourquoi tu t'excuses ?" demanda froidement Neolyta tout en soufflant une bouffée de fumée dans le visage de jeune femme.

La voix de l’inconnue sonnait comme celle de la plupart des gens des bas quartiers au fond, encore qu’elle semblait peut-être un peu plus amicale ? Au moins, elle n’était que froide et ne laissait pas entrevoir la moindre envie de la tuer sur place pour la simple raison qu’elle était d’un milieu social plus aisé… Enfin, Belnika se serait tout de même bien passé de la fumée de cigarette en pleine face. Celle-ci lui piqua immédiatement les yeux, la forçant à ciller rapidement avant de pencher légèrement la tête, juste assez pour éviter aux relents de tabac de prendre trop de place dans ses poumons. Peu habituée à la fumée de cigarette, elle se retint néanmoins de tousser, ne souhaitant pas causer le moindre souci à l’inconnue… Mais aurait-ce réellement été un problème ? Sans doute pas…

“ C’est un peu ma présence qui le retient… “

Elle avait lancé cette simple phrase comme une évidence alors que son regard balaya rapidement le comptoir. Malgré tout, la jeune femme avait pris garde à ne jamais tourner le dos à son interlocutrice. Rapidement, elle aperçut néanmoins ce qu’elle cherchait et qui était un petit cendrier métallique. Sans plus tarder, elle tendit le bras jusqu’à ce que ses doigts puissent atteindre l’objet. Ce dernier étant plutôt loin, l’archiviste avait au passage failli tomber, ne se rattrapant qu’au dernier moment au comptoir.

Maudissant mentalement son sens de l’équilibre et sa maladresse naturelle, elle fit glisser le cendrier vers elle avant de l’attrapper à pleine main et de retrouver une position stable sur le tabouret.

“ Voilà ! “

D’un petit sourire, elle avait alors posé l’objet à proximité de l’inconnue, permettant à celle-ci de ne pas laisser traîner ses cendres, même si l’état global du bar semblait montrer que peu de personnes s’accomodaient à l’usage de pareil ustensil.

“ Le gérant doit rassembler plusieurs années d’archives… “ expliqua-t-elle ensuite.

Bien entendu, il était peu probable que cela intéresse quiconque, mais au moins, l’inconnue était au courant de ce qui semblait l’empêcher d’avoir la cuite à laquelle elle aspirait.

[HRP : Désolée du temps que j'ai mis à te répondre ;-;]